Je viens d'envoyer ce courriel à M. Lagacé. C'est la première fois que je réagis à un article, je ne sais pas si je vais avoir du feedback.
Bonjour M. Lagacé
Je vous écris ce matin en réaction à votre article « Où étiez-vous, camarade Carbonneau ? ». Je suis un étudiant en relations industrielles à l’université Laval et je ne suis pas d’accord avec votre affirmation disant que le juge de la cour d’appel a créé un trou dans l’article 109.1 du code du travail, aussi appelé la loi anti-scab. En effet, il n’a jamais été de l’intention du législateur d’interdire la sous-traitance externe lors d’une grève ou d’un lock-out. Effectivement, aucun des paragraphes de cet article ne fait référence à cela et c’est pour cette raison qu’il y a eu une consultation publique à l’assemblée nationale afin d’en modifier la portée.
Bien que j’aie à cœur les intérêts des travailleurs, je ne peux pas être en accord avec leurs revendications de modifier le code du travail pour empêcher l’employeur d’utiliser la sous-traitance externe lors d’un conflit. La raison est bien simple et je vous invite à écouter les propos d’Alain Barré, professeur en droit du travail au département des relations industrielles, lors des consultations publiques du 2 février (http://www.assnat.qc.ca/fr/video-audio/AudioVideo-34261.html) pour avoir une argumentation complète. Mais en quelques mots, si le code du travail est modifié pour empêcher une telle pratique de la part de l’employeur, cela aurait comme conséquence de modifier complètement l’équilibre du pouvoir entre employeur et syndicat à la faveur des syndicats mais seulement dans certaines circonstances ! Puisque le code du travail ne s’applique qu’au Québec, il aurait été d’une facilité déconcertante pour Quebecor d’ouvrir les bureaux QMI en Ontario ou aux Etats-Unis et les prétendues nouvelles dispositions de la loi anti-scab n’auraient eu aucun effet. Le même raisonnement s’applique pour pratiquement toutes les grandes entreprises qui ont les moyens de transférer une ligne de production, une usine ou leurs bureaux à l’extérieur du Québec. L’objectif de la loi ne serait donc pas atteint.
Par contre, lors de négociation d’un syndicat avec une petite entreprise, le rapport de force serait complètement débalancé à la faveur du syndicat puisque l’employeur n’aurait plus la possibilité de continuer sa production à l’aide de la sous-traitance externe. L’objectif de la loi étant de pousser les parties à négocier, plusieurs syndicats seraient probablement poussés à faire la grève puisque la partie patronale ne pourrait continuer sa production qu’avec l’aide des cadres engagés avant le début des négociations. Je suis d’avis que de telles dispositions pourraient avoir comme conséquence directe l’exil de plusieurs grandes entreprises et la perte de nombreux contrats pour les plus petites entreprises puisqu’il n’est pas rare que les organisations qui donnent des contrats à des entreprises syndiquées évaluent la nature et la stabilité des rapports collectifs de travail afin de s’assurer qu’un arrêt de travail ne mette pas arrêter leur propre production.